À cause de certains milieux homophobes et
sexistes, le mot "traditionaliste" a aujourd'hui une mauvaise
réputation. Or la Tradition est toute autre chose.
À Saint-Servais, comme dans notre Église en Espagne, nous
célébrons la Messe romaine traditionnelle. À l'heure actuelle,
où le pape de Rome persécute au maximum la liturgie
traditionnelle, nous sommes fiers de pouvoir chanter les
louanges de Dieu selon la forme et les textes qui nous ont été
transmis de génération en génération depuis plus de 1700 ans. La
Communion Anglicane Libre Internationale, dont nous faisons
partie, permet une diversité des rites, et autorise
explicitement les liturgies traditionnelles.
Les premiers missionnaires en Belgique sont venus ici des Îles
britanniques, et, dans une moindre mesure, d'Arménie, d'Italie,
d'Occitanie et d'Allemagne. Cela veut dire que, dans un premier
temps, les premiers rites utilisés en Belgique étaient
celtiques, gaulois, orientaux et italiens. Ces rites ont perduré
jusqu'à l'arrivée de Charlemagne. De plus, le célèbre saint
Athanase d'Alexandrie a été exilé à Trèves, où il a composé le
symbole
Quicumque vult, et a été en contact direct avec
beaucoup d'évêques gaulois.
À Rome, la liturgie était célébrée au début en grec. À partir du
quatrième siècle, Rome est passée au latin. Elle a connu
plusieurs anaphores indigènes, qui se terminaient toutes par ce
que l'on appelle "le canon romain". Le canon romain avait été
compilé à Aquilée, à partir de douze fragments tirés de
différentes anaphores alexandrines, à une époque où Aquilée et
Alexandrie étaient des villes jumelées grâce à la navigation. Le
canon romain, patchwork oriental d'Aquilée, a donc été exporté
vers Rome.
Le rite romain a eu sa forme quasi-définitive au cinquième
siècle. Saint Grégoire le Grand (+604), nonce papal à
Constantinople puis pape de Rome, a, d'une part, enrichi le rite
byzantin d'éléments romains, et, d'autre part, importé des
éléments byzantins dans le rite latin. Il a également réduit le
nombre des anaphores romaines.
Charlemagne a voulu l'uniformité des rites dans son empire. En
principe, il voulait remplacer tous les rites par le rite
romain. Mais en réalité, le rite romain connu par Charlemagne,
rite qui était également en vigueur chez les germaniques, y
était déjà enrichi d'éléments germaniques. Dans la pratique, en
Gaule, chaque diocèse fit une synthèse entre son rite ancestral
propre et le rite latin qui lui était imposé. L'une de ces
synthèses gallo-romano-germaniques a également remplacé le rite
de la ville de Rome, à quelques exceptions près. Le rite
milanais a subi moins de dommages, tandis que l'impact du rite
latin sur le mozarabe est resté négligeable, grâce à la lutte de
ce dernier pour la survie.
En Belgique, on s'est partagé entre le rite liégeois (tributaire
à celui de Cologne) et celui de Thérouanne. Les deux
représentaient, comme on l'a dit, des synthèses. Le rite
liégeois s'est étendu, au fur et à mesure de l'expansion du
diocèse métropolitain de Liége au 9e siècle, pour englober
l'Ardenne et les provinces de Namur et de Limbourg. Pour sa
part, Thérouanne influença la Flandre et le Hainaut picard.
Pendant ces siècles, la Belgique produisit plusieurs éléments
propres, comme les fêtes de la Trinité et de la Fête-Dieu, qui
s'exportèrent partout en Europe occidentale, grâce à la
navigation.
La Réforme anglicane produisit de nouvelles liturgies en
Angleterre et en Écosse: les eucologes anglais de 1549, 1552 et
1662 voulaient réconcilier catholiques et protestants, tandis
que l'eucologe écossais de 1764 représente le triomphe du
catholicisme non-romain écossais, dans un pays où les
protestants et les catholiques n'ont pas réussi à s'entendre.
Dans les Églises qui n'ont pas connu de Réforme, et qui sont
restées en pleine communion avec Rome, comme ce fut le cas en
Belgique aussi, le concile de Trente a stoppé toute évolution
organique de la liturgie, en essayant d'imposer partout les
livres simplifiés de la curie romaine, "pasteurisés" par la
papauté. Les rites des diocèses de France, Milan et Tolède ont
résisté jusque très tard, car il s'agissait de rites anciens.
Mais en Belgique, les livres romains ont été imposés partout.
En 1925 fut fondé le monastère d'Amay, transféré ultérieurement
à Chevetogne. Le rayonnement de l'abbaye de Chevetogne a le
mérite de l'expansion du rite byzantin dans le monde entier, et
les livres liturgiques de rite byzantin en langue française,
produits à Chevetogne, sont une référence dans tout le monde
francophone. Plusieurs communautés paroissiales autochtones de
Belgique pratiquent le rite byzantin en langue française. Grâce
à Chevetogne, le rite byzantin fait partie du paysage belge.
À Saint-Servais, nous observons le calendrier belgo-romain
traditionnel, et célébrons la Messe romaine traditionnelle, en
vernaculaire.
Cependant:
1. Nous avons éliminé le Filioque.
2. Nous ne tenons pas compte des "pasteurisations" liturgiques
qui ont suivi le Concile de Trente, et encore moins des
innovations dangereuses du 19ème et du 20ème siècles. Les
distorsions que les papes de Rome ont essayé d'imposer durant
le second millénaire (anti-utraquisme, matinalisme...) n'ont
aucune valeur pour nous.
3. Nous observons l'Avent de 6 semaines, comme avant
Charlemagne.
4. En plus des onze anaphores romaines qui ont en commun le
"canon romain", nous employons également des anaphores
orientales: l'anaphore des apôtres, l'anaphore Charar,
l'anaphore de notre Seigneur, l'anaphore de saint Athanase,
l'anaphore de saint Basile, l'anaphore de saint Jean
Chrysostôme, l'anaphore de Denys Bar Salibi II d'Amid,
l'anaphore de saint Xyste II pape de Rome etc. Nous utilisons
également deux autres anaphores occidentales traditionnelles:
l'une mozarabe, l'autre écossaise. À travers les anaphores
orientales, nous sommes dans la continuité spirituelle des
premières communautés chrétiennes belges, fondées par les
saints Servais, Agricole, Chrysole, et influencées par saint
Athanase lors de son exil chez nous. À travers les anaphores
byzantines, nous nous situons en continuité avec les
communautés fondées par saint Ghislain, qui était disciple de
saint Basile le Grand. Par les éléments gaulois-mozarabes,
nous sommes les héritiers des communautés évangélisées par les
saints Remacle, Amand, Séverin etc. À travers l'anaphore
écossaise, nous sommes en communion spirituelle avec les
premiers chrétiens belges, évangélisés par les saints celtes
Berthuin, Abel, Gwen, Liboire, Achaire, Damhnait/Dymphne,
Monon, Chrétienne etc.
5. Tout dimanche est une Pâque hebdomadaire. Chaque dimanche
et pendant tout le temps pascal, après les prières (collecte,
segraie, postcommunion) du dimanche, et éventuellement après
celles du saint du jour, nous ajoutons celles de la
résurrection, empruntées à la première semaine de Pâques.
6. Nous conservons un maximum d'éléments belges. Par exemple,
nous utilisons l'ordo liégeois de la Fête-Dieu pour la Messe
de la vigile, puis l'ordo de l'Abbaye des Dunes le jour même
de la fête.
7. Nous évitons de transférer les fêtes. Le rite romain
traditionnel permet aisément d'observer deux fêtes le même
jour, les prières de la fête moins importante se disant après
les prières de la fête la plus importante, et le dernier
évangile de la Messe étant l'évangile de la fête moins
importante.
8. Pendant la saison de Noël, les propres du chœur (introït,
graduel, verset alléluiatique, antienne d'offertoire, antienne
de communion) sont juste lus par le célébrant, et suivis par
des chalendes paraliturgiques.
9. Les Messes vespérales sont unies aux vêpres et/ou aux
complies.
10. Notre vin de Messe est, au plus souvent, du jus de raisin
pur, non-fermenté, qui est une matière valide du sacrement.
Pour la communion au calice, le prêtre verse le sang du Christ
à partir du grand calice dans des petits calices individuels,
qui sont purifiés à l'eau bouillante après la Messe, et la
lavure déversée à la racine des arbres.
Nous célébrons la Messe également
en wallon et en espagnol.
L'office divin – vêpres et matines – est célébré très souvent
dans notre chapelle, en utilisant le schéma compilé par
l'archevêque Thomas Cranmer en 1549 (sur base du bréviaire de
François Quiñones). À ce schéma, nous avons ajouté des
antiennes, hymnes, collectes et litanies, en privilégiant
toujours les éléments traditionnels typiquement belges. Le
lectionnaire de l'office divin est celui de 1552, adapté.
La Tradition ne doit pas être confondue
avec le conservatisme. Ce sont des axes différents. On peut
très bien célébrer la Messe en clown et en même temps
fouetter les LGBT, comme c'est le cas de l'actuel pape de
Rome, ou bien on peut célébrer la Messe traditionnelle et en
même temps marier les couples gais et lesbiens, avec des
textes liturgiques traditionnels, tant qu'on y est!