Notre Église permet la bénédiction d'un second mariage après un
divorce.
En général, dans la chrétienté, il y a deux approches
différentes:
1. À Rome et dans la Communion romaine, on interprète Matthieu
19:9 de la façon suivante: "Celui qui répudie sa femme, sauf en
cas de
concubinage, et qui en épouse une autre, commet
un adultère." Selon cette interprétation, c'est le consentement
du couple devant le prêtre qui constitue le sacrement, et en cas
de divorce, aucun des deux ne peut se remarier. Dans la
pratique, un couple qui divorce essayera de prouver que les
conditions requises n'ont pas été respectées, et ainsi le
tribunal ecclésiastique pourra prononcer la nullité du mariage.
Par exemple, si, en se mariant, l'un des deux époux peut prouver
qu'il (elle) n'a pas été dans toutes ses facultés mentales pour
donner son consentement au mariage, eh bien, il n'y a jamais eu
de mariage valide devant Dieu, mais seulement un concubinage (en
dépit de la validité du mariage aux yeux de l'État). Donc le
divorce n'est que civil, et les prétendus ex-concubins peuvent
revenir devant l'autel une autre fois pour y épouser une autre
personne. Parfois, les docteurs en droit canon sont très
généreux sur ce qui peut constituer toutes les facultés
mentales. Ils y ajoutent le mensonge sur la stérilité,
l'immaturité des jeunes qui se marient etc.
2. Dans les autres Églises, on interprète Matthieu 19:9 d'une
autre façon: "Celui qui répudie sa femme, sauf en cas
d'adultère,
et qui en épouse une autre, commet un adultère." Selon cette
autre interprétation, la promesse biblique "ils seront une seule
chair" est déchirée au moment où l'un des époux est infidèle.
Après un adultère, le couple n'est plus "une seule chair", et
ainsi la partie innocente est libre de se remarier. Une fois
Billy Graham reçut une lettre d'une femme qui était à son
cinquième ou sixième mariage, à l'instar de la femme
samaritaine; il lui répondit d'arrêter l'enchaînement des
divorces-remariages, et de s'efforcer à rester avec l'homme avec
qui elle était en ce moment. Les Églises orientales se lancent
parfois dans un genre d'hypocrisie: elles célèbrent à l'église
le second voire le troisième (re)mariage, en utilisant le rituel
prévu pour les veufs, ensuite elles imposent au couple deux
années de pénitence. Souvent dans les Églises orientales,
l'alcoolisme de l'époux est considéré comme une "mort
spirituelle", qui permet à l'épouse innocente de divorcer et se
remarier. Martin Luther considérait la violence conjugale dans
la même catégorie, et pensait que le divorce était préférable à
la violence; quant à l'épou(se) innocent(e), il pensait qu'à
l'impossible nul n'est tenu, et qu'ainsi elle (il) pouvait se
remarier. Par la suite, tous les réformateurs acceptèrent
l'adultère comme une cause légitime de divorcer, et certains y
ajoutèrent tantôt l'impotence, tantôt autre maladie physique,
comme d'autres causes légitimes.
Dans l'évangile selon Matthieu, qui écrit pour des milieux
juifs, la discussion n'est pas tant sur le divorce d'accord
commun, mais plutôt sur la répudiation unilatérale de la femme
par l'homme, comme celle-là avait d'ordinaire lieu dans les
milieux pharisiens, où les hommes répudiaient leurs épouses
respectives pour "n'importe quelle raison", y compris parce
qu'elles cuisinaient mal. La situation des femmes répudiées
était difficile, ne fût-ce que sur le plan matériel.
L'évangile selon Marc (10:11-12) raconte le même épisode, mais
l'historicité de celui-ci est troquée contre une préoccupation
typique du droit romain, selon lequel il y a le divorce d'accord
commun, y compris de la femme qui initie le divorce.
Parmi les causes légitimes de divorce, on peut compter une cause
inconnue dans le passé: l'orientation affective. Beaucoup de
jeunes gais et lesbiennes ont été mariés contre leur volonté à
quelqu'un du sexe opposé; d'autres sont eux-mêmes entrés dans de
telles unions, parce qu'ils luttaient avec leur homosexualité,
et croyaient qu'un mariage hétérosexuel allait les "guérir". On
peut légitimement considérer que de telles unions n'ont rien du
caractère sacramentel du mariage.
Dans le cas de la violence familiale, certaines personnes
restent ensemble avec un(e) conjoint(e) toxique, par amour. Or,
lorsque les enfants arrivent, et deviennent eux-mêmes des
victimes directes ou indirectes de cette violence,
le
divorce est une bénédiction. Jésus se préoccupe des
enfants:
Quiconque donc s’humiliera et se rendra petit comme
cet enfant, celui-là sera le plus grand dans le royaume des
cieux ; et quiconque reçoit en mon nom un enfant tel que je
viens de dire, c’est moi-même qu’il reçoit. Si quelqu’un piége
(σκανδαλίσῃ) un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait
mieux pour lui qu’on lui pendît au cou une de ces meules qu’un
âne tourne, et qu’on le jetât au fond de la mer. (Matthieu
18:6)
Bien entendu, il ne faut prendre au pied de la lettre la
punition envers le fautif. Ici Jésus utilise l'hyperbole.
Toutefois, le fait même qu'il doive se servir de l'hyperbole
nous montre à quel point il ne faut pas prendre à la légère la
sécurité et le bien-être des enfants.
Par la suite, longtemps après le divorce, que faut-il penser de
l'individu fautif, celui qui avait été dans la "mort
spirituelle"? Son ex-épou(se) est parti(e) avec les enfants, et
ils ont refait leur vie. Si le fautif sort de sa "mort
spirituelle", se met en ordre etc., doit-il (elle) rester seul,
sans pouvoir refaire sa vie, à cause de sa vie passée? Parfois,
en regardant le cas en prenant du recul, on peut voir que le
vice de l'épou(se) fautif(ve) était bien présent, quoique caché,
bien avant la première union. Bien souvent, le conditions
nécessaires à la validité sacramentelle de la première union
n'étaient pas là. Il arrive, par exemple, que, lorsque la
violence devient insupportable quelque temps après les noces, on
découvre que la femme a dû cacher ses bleus avant d'arriver à la
cérémonie, mais qu'elle a plus ou moins dit oui, en espérant que
son homme irait mieux après le mariage, comme si la cérémonie
était un acte magique qui guérit les vices. Il arrive, par
exemple, que, la veille de la cérémonie, le futur marié soit un
Casanova à l'insu de sa future femme, et qu'en passant devant le
mayeur et le curé, il n'ait eu aucune intention d'arrêter son
mode de vie. Ou peut-être que la femme l'a appris, mais a cru
que la cérémonie serait un acte magique qui coupe l'appétit
d'aller voir ailleurs.
"Ce que Dieu a uni, que l'humain ne le sépare pas." Oui, mais il
faut d'abord vérifier si c'est vraiment Dieu qui a uni.
Dans tous les cas, il convient de voir les choses avec votre
prêtre ou votre évêque, et de trouver une solution ensemble, si
possible.
Quid de Amoris lætitia?
L'évêque de Rome (auquel nous refusons tout droit juridictionnel
en-deçà du diocèse de Rome) a écrit en 2016 la lettre
Amoris
lætitia, dans laquelle il permet aux couples faits de
divorcés de pouvoir communier, sans autre formalité, mais il
leur interdit néanmoins un second mariage à l'église.
C'est comme balayer la misère sous le tapis, ou bien comme de
mettre une couronne sur une dent pourrie, avant de la traiter.